C'est une première : s'il était arrivé que la préfecture de Mayotte soit, dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine, sanctionnée par le Tribunal administratif de Mamoudzou, jamais elle ne l'avait été par le Tribunal de première instance (TPI). Et pour cause : jamais la justice civile n'avait été saisie d'une telle affaire. C'est désormais le cas : la préfecture a été condamnée par le TPI mercredi 11 mars, pour avoir falsifié l'âge d'un jeune mineur considéré comme étant en situation irrégulière, dans le but de le reconduire à la frontière ; et pour lui avoir refusé son retour.
Selon la juge des référés, Thérèse Rix-Geay, l'APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière) touchant le jeune Ousseni B. pris le 13 février 2009, « est constitutif d'une voie de fait ». De même, le refus du préfet d'autoriser son retour à Mayotte malgré le retrait de l'APRF constitue une deuxième « voie de fait ». La présidente enjoint donc le préfet, dans son jugement, « de ne pas s'opposer au retour » du garçon, sans pour autant lui imposer une astreinte (lire ci-contre).
L'affaire remonte au 13 février. Ce jour-là, Ousseni, 14 ans, se rend au collège de Kaweni, où il est scolarisé en classe de 5ème. Né à Anjouan, il séjourne sur le territoire mahorais depuis l'âge de 5 ans et y a fait toute sa scolarité. Il vit avec son père, Comorien en situation régulière à Mayotte, et ses frères et s½urs - sa mère, en situation irrégulière, est également à Mayotte.
Lors de son arrestation à 7h45, Ousseni affirme qu'il est mineur - son extrait d'acte de naissance qui précise qu'il est né en 1994 et son carnet de scolarité le prouvent. A 10 heures, le principal du collège envoie un fax à la Police aux frontières (PAF) indiquant qu'il est scolarisé et n'est pas majeur. Prévenu sur le tard, son père, Abdou, tente de le retrouver mais se fait balader du commissariat à la préfecture, et de la préfecture au Centre de rétention administrative (CRA). Il n'aura pas le temps de faire sortir son enfant, qui sera reconduit à la frontière vers 12 heures. Depuis, Ousseni est à Anjouan, « livré à lui-même » selon son avocate, Me Fatima Ousseni, et « le préfet refuse de le laisser revenir ».
Car les ennuis du garçon ne s'arrêtent pas là. Son père et l'association Cimade ont tenté de le faire revenir. Mais alors que la préfecture a, dans un premier temps, reconnu sa faute dans un courrier et accepté son retour, elle s'est ensuite rétractée, prétextant que l'extrait d'acte de naissance du jeune garçon serait un faux. Une allégation critiquée par l'avocate - elle a stigmatisé à l'audience du 9 mars « la volonté du préfet de tronquer la réalité » et s'est interrogée sur la mise en avant tardive (le 27 février) d'un tel argument - et rejetée par la présidente : « L'état de faux n'est pas avéré », conclut-elle.
Au-delà de cette dernière péripétie, c'est une pratique qualifiée de « récurrente » par les militants associatifs que ce jugement met à mal. En effet, il ressort de la procédure que la PAF a changé l'âge du jeune garçon. Sur son APRF, il est inscrit comme étant né en 1990, et non en 1994, « alors qu'aucune vérification n'a été faite », dénonce Me Ousseni. Rendu majeur par cette falsification, il a ainsi pu être reconduit à la frontière - or selon la législation, un mineur isolé ne peut être refoulé du territoire.
Ce type de pratique n'est pas nouveau, affirment plusieurs associations dont la Cimade, qui intervient au CRA, et le Réseau Education sans frontières de l'île de Mayotte (Resfim). Le proviseur du lycée de Kahani, certains médias et des autorités indépendantes dont la Défenseure des enfants l'ont également dénoncée ces dernières années.
« Jusqu'à quand ? », s'est interrogé Fatima Ousseni lors du procès. « Jusqu'à quand ces pratiques vont-elles être maintenues ? Jusqu'à quand le préfet va-t-il considérer qu'il est au-dessus de la réglementation ? Certes, des chiffres doivent être atteints, mais les chiffres n'ont jamais justifié le déni de la loi. »
Une condamnation mais pas d'astreinte
Si les responsables associatifs se disent satisfaits de ce jugement, ils regrettent que la présidente du tribunal n'ait pas imposé d'astreinte à la préfecture pour l'obliger à organiser au plus vite le retour du jeune Ousseni. Si celle-ci n'est pas en mesure de lui refuser l'entrée sur le territoire, elle n'est pas non plus dans l'obligation de le faire revenir. Dans des cas similaires dans le passé, la préfecture n'avait rien fait...
Malango Mayotte
anrifoudine, Posté le mardi 17 mars 2009 11:17
j'aurai honte si j'étais français, un pays qui prétend être exemplaire dans la défense des droits des enfants... j'ai honte honte honte honte.... c'est honteux. c'est de l'hypocrisie. la France franchement!!!!!